LE LIVRE

mercredi 12 mars 2014

Ce que nous apprend l’Ukraine…

Personne n’a du échapper à l’actualité récente qui est centrée sur l’Ukraine et nul ne peut être dupe de la diabolisation de la Russie à travers Poutine. Ce qui m’a le plus amusé, c’est que la France aille jusqu’à envisager des sanctions contre les proches de Poutine. Le spectacle de la démarche occidentale est pathétique. On dirait que lorsque les Etats-Unis lancent la musique, les chœurs sont suivis par tous les pays d’Europe; c’est à qui montrera le plus aux Etats-Unis qu’il a fait mieux que l’autre dans le suivisme. On peut dire sans détour que ce sont les américains qui sont encore maitres de l’agenda politique internationale. J’ai cru être perdu dans ce flot de désinformation répandu dans les médias jusqu’à tomber, fort heureusement grâce à Internet qui nous fait entendre d’autres sons de cloche, sur trois publications fort intéressantes pour celui qui souhaite être proche de la réalité :

- un éditorial publié par le Directeur du CF2R, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, “Ukraine, le monde à l’envers”. Article que je recommande fortement, bref et précis.

- un éditorial de Claude MONIQUET, président de l’ESISC, “Ukraine : Copier-Coller, vieilles rengaines et ignorance des réalités”.

- et une analyse historique et plus complète d’Ahmed BENSAADA sur son site : “Ukraine : Autopsie d’un coup d’état”.

Avec ces trois lectures, on ne saurait être dupe de la situation actuelle et on doit en tirer quelques enseignements : comme on l’a remarqué en Lybie, Syrie, Venezuela et Ukraine, tout commence par des manifestations pacifiques qui drainent des aspirations légitimes quant à une situation. Ce qui est tout à fait normal. Mais ce qui n’est pas normal, c’est le captage de ces mouvements de protestation par des groupes dont on ne connait ni l’agenda, ni le projet pour le pays. Et à la fin comme toujours, la montagne accouche d’une souris. On s’en moque de la survie du pays en tant que Nation, seul compte les intérêts particuliers et divers.

D’ailleurs, pour compléter ce billet, je dois présenter quelques extraits de ces articles  :

- Claude MONIQUET de l’ESISC :

“(…) ceux qui tirent aujourd’hui des plans sur la comète et rêvent d’une Ukraine « européenne » devraient se rappeler une règle intangible de la géopolitique : un pays ne choisit pas ses voisins. Et n’en change pas. Lorsque l’émotion sera retombée, lorsque les rêves s’évanouiront et lorsque Kiev ne recevra pas les 15, 20 ou 30 milliards d’Euros indispensables pour éviter la banqueroute, la réalité réapparaîtra. Et la réalité, qu’on le veuille ou non, c’est que la Russie sera toujours le grand voisin oriental de l’Ukraine, qu’il y aura toujours une vingtaine de pourcents de Russes sur les 45 millions d’habitants du pays et que la Crimée (qui, elle, est « russe » à 60 ou 70%) abritera toujours, à Sébastopol, la Flotte russe de la Mer Noire, une force militaire essentielle à la puissance de Moscou et à son éventuelle projection.Et l’Ukraine exsangue se chauffera toujours avec du gaz Russe. On peut le regretter. On peut maudire le destin, on peut nier les faits. Mais ils sont là. Et ils imposent une conclusion simple : jamais la Russie n’acceptera que l’Ukraine diverge trop d’elle et mène une politique totalement indépendante. Un peu d’autonomie, oui, mais dans des limites certaines : c’est ainsi que l’on voit, à Moscou, l’avenir de Kiev. Et ce n’est pas l’impérialisme, c’est simplement la défense bien comprise des intérêts de la Russie par des dirigeants russes que l’on aime ou pas mais qui sont précisément là pour ça : défendre les intérêts de leur pays. Penser le contraire serait de la naïveté. En politique internationale, la naïveté conduit à l’impasse. Ou au désastre.”                

- Eric DENECE du CF2R :

“(…)Conséquence de cette corruption généralisée des élites, le pays est aujourd'hui en faillite et ses dirigeants sont dans la nécessité de redresser sa situation financière désastreuse. C'est paradoxalement ce que Ianoukovitch, aussi incompétent et corrompu que ses prédécesseurs, avait compris. Estimant que l'aide européenne proposée dans le cadre de l'accord douanier devant être signé en novembre 2013 à Vilnius n'était pas suffisante (610 millions d'euros), le président Ukrainien demanda qu'elle soit portée à 20 milliards d'euros, ce que Bruxelles refusa. Aussi, il a fait volte-face afin de répondre favorablement à l'offre russe, Moscou lui proposant 15 milliards de dollars d'aide directe et de continuer de faire profiter le pays d'un prix très bas pour le gaz naturel.

Outre son attrait financier, cette proposition n'avait rien d'incohérent car l'essentiel des échanges commerciaux de l'Ukraine se fait effectivement avec la Russie, et ses secteurs stratégiques restent très intégrés dans l'économie de ce pays avec lequel plus de 240 accords ont été signés. (…)

Sur le plan militaire, les installations navales russes en Crimée sont d'une importance stratégique pour Moscou car c'est son seul accès à la Méditerranée, via les détroits turcs. Sans le port de Sébastopol, la base de Tartous, en Syrie, nʼaurait pas grande utilité. Moscou dispose d'environ 20 000 hommes dans cette province au terme d'un accord signé en 1997 avec Kiev. Il n'est pas question pour lui d'abandonner les lieux. Par ailleurs, une partie de l'industrie militaire et spatiale russe demeure encore localisée en Ukraine, où sont en particulier produits des avions Antonov.”

- Ahmed BENSAADA :

“(…) Dans un article exhaustif et très détaillé sur le rôle des États-Unis dans les  révolutions colorées, G. Sussman et S. Krader de la Portland State University mentionnent dans leur résumé : « Entre 2000 et 2005, les gouvernements alliés de la Russie en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizistan ont été renversés par des révoltes sans effusion de sang. Bien que les médias occidentaux en général prétendent que ces soulèvements sont spontanés, indigènes et populaires (pouvoir du peuple), les « révolutions colorées » sont en fait le résultat d’une vaste planification. Les États-Unis, en particulier, et leurs alliés ont exercé sur les États postcommunistes un impressionnant assortiment de pressions et ont utilisé des financements et des technologies au service de l’aide à la démocratie »

Une dissection des techniques utilisées lors de ces « révolutions » montre qu’elles ont toutes le même modus operandi. Plusieurs mouvements ont été mis en place pour conduire ces révoltes: Otpor (« Résistance ») en Serbie, Kmara (« C’est assez! ») en Géorgie, Pora (« C’est l’heure ») en Ukraine et KelKel (« Renaissance ») au Kirghizistan. Le premier d’entre eux, Otpor, est celui qui a causé la chute du régime serbe de Slobodan Miloševic. Après ce succès, il a aidé, conseillé et formé tous les autres mouvements par l’intermédiaire d’une officine spécialement conçue pour cette tâche, le Center for Applied Non Violent Action and Strategies (CANVAS) qui est domiciliée dans la capitale serbe. CANVAS forme des dissidents en herbe à travers le monde à  l’application de la résistance individuelle non violente, idéologie théorisée par le philosophe et politologue américain Gene Sharp dont l’ouvrage « From Dictatorship to Democracy » (De la dictature à la démocratie) a été à la base de toutes les révolutions colorées.

Aussi bien CANVAS que les différents mouvements dissidents ont bénéficié de l’aide de nombreuses organisations américaines d’ « exportation » de la démocratie comme l’United States Agency for International Development (USAID), la National Endowment for Democracy (NED), l’International Republican Institute (IRI), le National Democratic Institute for International Affairs (NDI), la Freedom House (FH), l’Albert Einstein Institution et l’Open Society Institute (OSI). Ces organismes sont financés par le budget américain ou par des capitaux privés américains.”

N’oublions pas que l’Ukraine a subi une révolution orange en 2004 contre le même Président qui est aujourd’hui en Russie. Et on sait ce qui a suivi par la suite. L’euphorie médiatique n’efface et n’effacera jamais les réalités.

Aucun commentaire :